L’image que la postérité philippine aura gardé de José Rizal, c’est celle d’un homme qui se dresse contre les colonisateurs espagnols, au péril de sa vie. L’homme est aussi un visionnaire. Craignant que la décolonisation ne débouche sur un régime politique tyrannique, il s’attaque dans ses écrits aux leaders autoproclamés de la lutte contre les autorités espagnoles. Ses critiques sont tout de même ignorés par les chefs révolutionnaires. En même temps, son projet de décolonisation lucide va lui coûter la vie.
Rizal est né en 1861 d’une riche famille sino-tagale. Il poursuit des études de médecine et devient plus tard chirurgien-ophtalmologue. Mais le jeune est aussi connu pour être autodidacte. Il se passionne particulièrement pour les langues, dont la sienne, mais aussi l’espagnol. Au total, il maîtrisera 23 langues. Rizal excelle également dans les écritures. Il est l’auteur entre autres de noli me tangere qui est sans doute le roman le plus influent des Philippines. Il y décrit la société phillipine et les changements subits par le pays à travers l’histoire d’un jeune idéaliste : Juan Crisostomo Ibarra qui va devoir affronter le clergé et les riches pour la liberté.
Cet ouvrage transmet un message qui va réveiller les sentiments nationalistes du peuple des Philippines durant le 20ème siècle. José Rizal va mettre ce talent au service de la cause nationale : la lutte pour l’indépendance des Philippines. José Rizal pense que la révolution anticoloniale est dangereuse. Elle doit, en premier lieu, reposer sur des bases politiques solides. À l’instar de Conficius, en Chine, son projet de réforme et d’indépendance est collectivement rejeté. Mais le personnage sera réhabilité par la prospérité.
Les Philippins se révoltent à plusieurs reprises contre les autorités coloniales espagnoles. Vers la fin du XVIIIe siècle, les États-Unis soutiennent la révolution philippine. Le but des Américains est d’étendre leur influence dans la région d’Asie du Sud-Est, au détriment d’une puissance espagnole en déclin. Ce soutien américain suppose en tout cas une lutte armée contre les colonisateurs. Mais José Rizal s’oppose à cette option. C’est pour cette raison qu’Andrés Bonifacio, fondateur de Katipunan, le met à l’écart des affaires concernant cette société secrète qui a pour objectif de libérer le pays des philippines de l’emprise des colonisateurs espagnols. Les troupes de Bonifacio vont malheureusement connaître de nombreuses défaites. Entre temps, le Katipunan perd de l’influence tandis que le gouvernement révolutionnaire dirigé par Emilio Aguinaldo regagne son autorité. Celui-ci pactise avec le gouverneur général espagnol et, contre 800.000 dollars mexicains, va non seulement quitter les Philippines, mais ordonner à ses hommes de déposer les armes.
L’artiste publie dans le journal La Solidaridad (La Solidarité) de Barcelone des propositions de réformes démocratiques sérieuses pour son pays. Il crée entre autres la Liga Filipina, une organisation ayant pour but d’impliquer directement le peuple dans la mise en œuvre des réformes. C’est aussi une société d’entraide qui prête des capitaux, distribue des bourses et assiste financièrement ou juridiquement les coopératives. Il y propose également la mise en place d’une province unique représentant les Philippines, au parlement espagnol.
En parallèle, José Rizal écrit aussi des livres politiques et des articles qui attaquent ouvertement le pouvoir religieux, sans oublier que son projet de réformes se fonde avant tout sur la liberté. Les autorités espagnoles interdiront alors la publication des écrits de Rizal. Malgré ces interdits, les textes circuleront quand même grâce à des groupuscules révolutionnaires. C’est ainsi, que les Espagnols l’arrêtent et l’exilent sur l’île de Mindanao, à Dapitan. Il faut dire que malgré son opposition à une lutte armée contre les colonisateurs, José Rizal gagne en popularité dans les milieux révolutionnaires.
C’est en partie sa plume qui va susciter le soulèvement des membres de Katipunan dont il est d’ailleurs le président d’honneur. Les Espagnols le condamnent à mort par un simulacre de procès. Rizal est fusillé en 1896, à 35 ans. Deux ans après sa mort, c’est une Espagne épuisée par la révolution et la guerre contre les États-Unis qui cède devant le soulèvement populaire. Rizal deviendra alors le plus grand héros des Philippines. La postérité l’encense en lui dédiant entre autres le Rizal Shrine Fort Santiago ou, comme à Banahaw, en lui attribuant des nuances spirituelles.
Découvrir la globalité de la culture philippine :
Histoire de la religion aux Philippines